Rebecca 2020 : entre hommage et déception
Dans le paysage en constante évolution du cinéma, la décision de refaire un film culte suscite souvent un mélange d’anticipation et de crainte. L’adaptation de Rebecca en 2020, réalisée par Ben Wheatley, ne fait pas exception. Relecture du chef-d’œuvre cinématographique de 1940 signé Alfred Hitchcock, lui-même adapté du roman de Daphné du Maurier, ce nouveau film a déclenché un débat animé parmi les cinéphiles et les critiques.
Dans cette critique approfondie, nous analyserons les nuances de l’interprétation de Wheatley, en explorant ses forces, ses faiblesses et les défis liés à la réinterprétation d’un classique adulé. En examinant le récit, les performances et le style visuel du film, nous tenterons de comprendre ce qui faisait la magie de l’original et si cette nouvelle version parvient à en capturer l’essence.
Le charme intemporel de l’original
Avant de plonger dans l’analyse du remake de 2020, il est essentiel de revenir sur l’héritage durable de Rebecca par Hitchcock. Sorti en 1940, le film a été un succès critique et commercial, remportant l’Oscar du meilleur film et consolidant la réputation d’Hitchcock comme maître du suspense et du drame psychologique.
Au cœur de l’original se trouve une histoire fascinante qui explore les complexités de l’identité, le poids du passé et la fragilité des relations humaines. On y suit une jeune femme, sans nom, qui épouse Maxim de Winter, un riche veuf, et emménage dans son vaste domaine, Manderley. Mais l’ombre de Rebecca, la première épouse, plane sur le manoir et sur le couple, rendant la nouvelle épouse prisonnière d’un souvenir omniprésent.
La mise en scène magistrale d’Hitchcock, alliée aux performances inoubliables de Laurence Olivier et Joan Fontaine, a créé une expérience cinématographique qui traverse les générations. Sa photographie atmosphérique, sa musique envoûtante et ses personnages finement développés ont fait de ce film un classique intemporel, source d’inspiration pour des décennies de thrillers psychologiques.
La vision de Wheatley : réussites et ratés
Un récit modernisé mais affaibli
L’un des défis majeurs de cette adaptation est de rester fidèle à une œuvre profondément aimée tout en y apportant une touche contemporaine. Le scénario, signé Jane Goldman, Joe Shrapnel et Anna Waterhouse, tente de moderniser et d’alléger certains aspects de l’histoire. Malheureusement, ce choix entraîne un rythme parfois précipité, qui dilue la profondeur psychologique des personnages.
Le passage des années 1930 aux années 1940 ne modifie pas significativement l’intrigue ni sa portée thématique. Les questions sociales — de classe, de genre, de pouvoir — restent esquissées plutôt qu’explorées, ce qui rend le propos moins percutant que dans le film original.
Des performances inégales
Le casting a également alimenté de nombreuses critiques. Lily James, bien qu’habituée aux drames d’époque, n’incarne pas pleinement l’innocence fragile et l’insécurité de la nouvelle Mme de Winter. Son interprétation, trop affirmée, peine à convaincre.
Armie Hammer, en revanche, capture l’aura mystérieuse de Maxim de Winter, mais l’alchimie avec Lily James manque de relief. À l’inverse, Kristin Scott Thomas brille dans le rôle glaçant de Mrs Danvers, conférant au personnage une intensité troublante qui constitue sans doute la meilleure performance du film.
Une esthétique somptueuse mais parfois trop lisse
Visuellement, le film est une réussite indéniable. Les décors grandioses, les costumes soignés et les prises de vue de Manderley transportent le spectateur dans une ambiance gothique somptueuse. Les jeux de lumière et les couleurs appuient efficacement le ton mélancolique de l’histoire.
Cependant, cette beauté formelle se retourne parfois contre le film, donnant une impression trop policée qui gomme l’atmosphère de malaise que Hitchcock savait distiller avec subtilité. Là où l’original jouait sur l’implicite et la tension, le remake privilégie une mise en scène plus ostentatoire.
Les défis du remake
Remettre en scène un classique implique de répondre à une double exigence : honorer l’œuvre d’origine tout en proposant une lecture nouvelle et pertinente. Rebecca version 2020 illustre à quel point cet exercice est périlleux.
Malgré ses qualités visuelles et quelques performances marquantes, le film peine à atteindre la profondeur psychologique et l’intensité dramatique qui faisaient la force du chef-d’œuvre d’Hitchcock.
Conclusion : un hommage imparfait
En définitive, ce remake rappelle avant tout l’intemporalité du film original de 1940. Ce dernier demeure une œuvre magistrale, captivant toujours les spectateurs par son suspense, son raffinement et son exploration universelle des émotions humaines.
Le Rebecca de Wheatley, bien qu’ambitieux et élégant, ne parvient pas à recréer la magie du passé. Il a néanmoins le mérite de relancer le dialogue sur la place des remakes dans le cinéma contemporain et sur la manière dont les classiques continuent de nourrir l’imaginaire collectif.
Pour les cinéphiles, l’expérience vaut le détour : elle offre une perspective différente sur une histoire éternelle et rappelle, par contraste, la perfection de l’original.



Laisser un commentaire